Où mène la dictature des minorités ?

Le mot est fort et plein de force, même de violence. Peut-on parler de dictature ? Si certaines postures de leaders charismatiques peuvent inciter ceux qui les vénèrent à la violence, je voudrais ici parler de dictature de la pensée. Sous prétexte de ne pas heurter les sensibilités, on constate une retenue dans la façon de s’exprimer et d’écrire. Mais n’y a-t-il pas un monde entre se moquer avec humour et insulter ? Si l’insulte est condamnable car elle veut blesser, l’humour ou le sarcasme restent dans le domaine de l’observation et de l’analyse des mœurs ou des caractères. 

Et que dire du simple exercice de l’écriture du roman ? Va-t-on interdire Madame Bovary sous le prétexte que Flaubert fustige une femme qui ne cherche qu’à mettre un peu de piment dans sa vie ? Alors que c’est cette quête d’une vie plus troublante qui la rend sympathique et dont ses amants se jouent pour leur seul plaisir. Serait-elle victime du machisme des hommes ? Les hommes seraient-ils tous des salauds, égoïstes, pervers et les femmes faibles, capricieuses et volages ? Cette conclusion serait excessive, n’est-ce pas ? Il faudrait donc faire attention à ce que l’on dit ou écrit afin d’éviter les procès de ceux qui se sentiraient offenser ? Les juges vont avoir du boulot car il ne sera pas aisé de décider de ce qui est acceptable de ce qui est insultant.

Alors, afin d’éviter de subir les foudres judiciaires de la part de ceux qui se sentiraient offensés par tel ou tel écrit, des éditeurs américains ont décidé de faire appel à des relecteurs qui ont pour mission de déceler propos ou descriptions qui, dans un roman, seraient susceptibles de choquer telle ou telle communauté. On les appelle, outre-Atlantique, des « sensitive reader ». L’indulgence va y gagner ce que la fantaisie va y perdre. 

Nous nous dirigeons donc vers un monde aseptisé, en perpétuelle retenue, l’esprit torturé par l’angoisse d’avoir pu être désobligeant et de se savoir coupable d’avoir péché par omission de suffisante considération de son prochain.

Bonnes lectures !

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