Un marché de consommateurs dociles
Dans son livre « La nouvelle classe mondiale contre les peuples », Michel Geoffroy développe une idée intéressante : une élite riche, composée d’hommes d’affaires et de grands managers, rêve d’un monde qui consomme toujours plus et qui ne se révolte pas. Un monde de consommateurs persuadés que le bonheur est dans le consumérisme et ne cherche plus à défendre son histoire et ses territoires. Pour obtenir toujours plus de profitabilité, les grandes entreprises supra nationales ont besoin de stabilité. Les pays d’Afrique n’ont d’intérêt que par les ressources minières et végétales qu’elles offrent. Y investir en dehors de cet objectif est hasardeux car ce sont des populations instables et donc des marchés à risque. La rentabilité d’un investissement doit y être élevé et rapide. En revanche, en Europe, plus de trois cent millions de consommateurs dociles ça constitue un eldorado qu’il convient de protéger. Avec une politique digne de Jules César, « du pain et des jeux », tous ces peuples sont des proies faciles. À l’Internationale socialiste, qui s’est délitée dans les pays du bloc de l’Est communiste, il s’est substitué l’international de l’argent, qui n’a plus d’opposant majeur, tant que les pays d’Europe restent tranquilles et n’ont d’yeux que pour le confort et la vie sereine.
Les nouveaux modes de vie en France
La société occidentale tourne autour de deux axes : le travail et les loisirs à parts quasi égales. L’homme occidental passe plus de temps en temps libres pour lui qu’en travail, d’autant que le travail devient plus nomade et moins attaché à un lieu pour une part de cadres de plus en plus nombreux. Ces évolutions de mode de vie ont une incidence sur les habitudes de consommation et de vie. Si en 1900 le travail et le sommeil occupait 70% du temps de vie, il n’en occupe plus que 40% aujourd’hui, du fait notamment de l’espérance de vie qui a augmenté de 25 ans au XXème siècle, allongeant ainsi le temps de la retraite devenue un temps de loisir.
Mais comme rien n’est parfait, les exclus de cette évolution favorable de la vie sont constitués de 10% des Français qui n’ont pas de travail, de 40% qui ne partent pas en vacances et du million et demi de mamans qui vivent seules avec deux millions d’enfants.
Un sondage de l’Expansion apporte un éclairage sur l’évolution de notre société :
- Le nombre de familles monoparentales a augmenté de 22% en 10 ans (1,7 million)
- On compte 2 fois plus de personnes seules qu’il y a 30 ans : 7,4 millions, soit 12,6% de la population totale
- Le phénomène de nomadisme est particulièrement marqué chez les jeunes consommateurs qui démodent très vite les marques et les concepts. Les industriels réagissent en proposant des politiques d’abonnements, des programmes de fidélisation et en élargissant les services
- On constate une tendance forte pour l’appétence de la qualité de vie : plus de temps, plus de responsabilités, plus de relations humaines, plus de racines terriennes et amicales. C’est le retour à la campagne, au vert, au calme, ce qui est un projet pour plus de la moitié (54%) des personnes interrogées. En 10 ans, plus de 1,8 millions de franciliens ont quitté l’Ile-de-France.
Mais encore 75% des citoyens habitent dans des aires urbaines de plus en plus vastes qui couvrent 20% du territoire, avec une croissance marquée des petites villes et des gros bourgs. C’est pourquoi l’essentiel de la création de richesse se fait dans la ville.
Pour Jean Viard (dans Nouveau portrait de la France) : « Aujourd’hui, quand nous avons fini de dormir, d’étudier et de travailler, il nous reste quatre fois plus de temps pour faire autre chose (…) passer cent mille heures devant la télévision (généralement à deux), c’est à dire autant d’heures qu’au travail et à l’école ! Mais faire autre chose, c’est aussi travailler pour soi, bricoler, créer, danser, faire du sport, s’aimer, lire, sortir, se promener, se baigner, militer, travailler dans une association, être l’un des 500.000 élus locaux, faire des courses, accompagner ses enfants au violon et au foot… Manifester, pourquoi pas ! Et ne perdons pas de vue la bataille pour la démocratisation des pratiques culturelles et de loisirs. Elle a fait un bond considérable ce dernier demi-siècle… »
L’homme occidental, ainsi bien intégré dans un confort ludique, est une proie de qualité pour tous les fournisseurs de biens de consommation, de crédit en tout genre, d’assurances multiples et d’immobilier. Comme un enfant gâté, il est exigeant et ne supporte pas les privations. Tout changement de statut l’inquiète mais il n’imagine pas aller se battre pour défendre son mode de vie. Il a enfin droit au bonheur.
Le droit au bonheur
« Ils ont droit au bonheur. » Cette nouvelle exigence a rendu les citoyens impatients et intolérants aux accidents de la vie. L’état devant s’occuper de tout, à tel point que les gouvernants doivent anticiper les catastrophes qui pourraient arriver. C’est ainsi qu’a vu le jour le principe de précaution avec son corollaire l’irresponsabilité et la recherche de responsables et/ou coupables lorsque qu’une catastrophe arrive. Comme si on devait prévoir l’imprévisible. Les grandes entreprises ont intégré ce risque et s’en servent dans leur communication. Ce droit « à quelque chose », comme la santé par exemple, est une notion qui est loin d’être neutre. Quand on a le droit de faire quelque chose, il y a une contrepartie qui est une obligation. J’ai le droit de conduire une voiture mais j’ai l’obligation de détenir un permis de conduire et de respecter le code de la route. Si j’ai le droit à vivre ma vie sexuelle comme je l’entends, il n’y a pas de contrepartie d’obligation, même celle d’en protéger les enfants. Ce concept du droit « à avoir ou faire quelque chose » est dangereux et rétrograde. Il ne met pas de barrière ni de restriction obligeant celui qui en profite. C’est de l’irresponsabilité et de l’infantilisme. Mais ce manque de maturité ainsi entretenu n’est pas un obstacle pour les mondialistes. Peut-être même que cette immaturité est un trait de caractère sur lequel les médias peuvent surfer. Comment ? En entretenant des informations jouant sur la peur ou la curiosité malsaine. Des nouvelles répétées en boucle qui donne l’impression que le contenu journalistique est de première importance et qu’il est urgent que les gens soient au courant. Alors que la plupart du temps le sujet est futile ou insignifiant. Les médias gardent ainsi la main mise sur les esprits en leur répétant à l’envie, soit de la frivolité, soit des raisonnements qui les arrange. Le bourrage de crâne a atteint un tel niveau d’ancrage permanent, omni présent et invasif, que toutes les grandes entreprises mondiales en arrivent à contrôler même les politiques. On a fini par faire croire que le « droit à l’information » est devenu essentiel, fondamental et primordial.
Ce « droit à » a aussi un effet pervers : l’égoïsme face au bien public. Comme « j’ai droit à la santé », l’état paye les soins et les médicaments. Si l’état évite ainsi que les pauvres ne puissent accéder aux soins, les citoyens ont tendance à abuser des médicaments et exigent de leur médecin qu’il leur prescrive systématiquement plusieurs remèdes pour soigner un même mal. Comme toujours, ce qui est gratuit n’a pas de valeur et ne mérite pas qu’on y porte une quelconque attention. C’est ainsi que la gabegie s’installe insidieusement et durablement. On se demande pourquoi les trois quarts des citoyens acceptent de dépenser des sommes folles chez le vétérinaire pour leur animal domestique mais ne supportent pas de consacrer un minimum de leur salaire pour leur propre santé ? En réalité ils payent un forfait indépendant de la quantité de soins engagés. Une partie du salaire brute est prélevée pour la sécurité sociale, mais les salariés ne la regarde pas et comme c’est un pourcentage de leur salaire, peu importe s’ils vont peu ou souvent chez le médecin. Tout ce qu’ils retiennent est que la santé est gratuite.
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