En 1920, Pierre-Étienne Flandin est Sous-secrétaire d’État à l’aéronautique. Il veut aider cette industrie car il croit en son essor. Son ministère n’a pas un gros budget et il doit se battre pour obtenir des crédits. Les ressources financières ne sont plus à la hauteur de ce qu’elles furent pendant la guerre de 14/18, contribuant au financement des progrès techniques.
À présent qu’il n’y a plus la nécessité de se doter d’une armée de l’air pour battre l’ennemi, l’aviation n’est plus une priorité. Imagine-t-on que l’avion puisse devenir un moyen de transport ? Si on y croit, il faut mobiliser l’opinion, contrôler les dépenses, éviter le gaspillage, ne pas disperser les efforts, favoriser les initiatives privées. L’enjeu est de taille.
C’est comme ce jour où Beppo de Massimi était venu, cette même année, lui demander une aide financière dans son entreprise très onéreuse de la liaison de la France au Maroc, qui allait rendre, estimait-il, un « service d’ordre public » à la nation.
Beppo de Massimi est un aristocrate napolitain qui a servi dans les rangs de l’armée française. Pilote dès la première heure, il a été persuadé que le pari de Pierre-Georges Latécoère n’est pas si fou et que l’aviation a un avenir civil. Il est le Directeur Général de la Société des Lignes Aériennes Latécoère. En dépit de l’opposition d’une partie importante de l’opinion espagnole, hostile à tout ce qui est français et favorable à tout ce qui est allemand, Beppo de Massimi a arraché les autorisations indispensables au survol du territoire espagnol et à la mise en place des bases d’entretien et de réparation de Barcelone, Alicante et Malaga, vitales pour l’exploitation de la Ligne projetée. Habile négociateur, c’est un homme patient mais volontaire.
Flandin connaît son projet qui s’inscrit tout à fait dans le développement de l’aviation commerciale en Méditerranée. Massimi est assez fier de pouvoir dire qu’il a obtenu les autorisations de survol de l’Espagne et qu’il a engagé Didier Daurat, pour encadrer les pilotes et organiser l’assistance au sol. Daurat est un homme structuré. Son rôle fut décisif dans le développement des lignes Latécoère. Dès qu’il prit en main les pilotes à Toulouse, il s’était ingénié à briser en eux un orgueil encombrant qui les diminuait et les rendait incomplètement disponibles ! Tout en préservant leur enthousiasme, il leur donna confiance par la rigueur et le travail.
À présent ils se donnaient à fond pour qu’une lettre mette deux jours à parcourir un trajet qui exigeait naguère deux semaines. Leur métier n’était pas sans risque pour que des mots d’amour, des commandes de boîtes de conserves, des échantillons sans valeur, arrivent plus rapidement à destination.
Massimi cite le mot cruel de Montherlant :
« Faire gagner quelques heures aux messages de la filouterie financière ou de l’imbécillité sentimentale ».
Massimi souligne ainsi que l’enjeu n’est pas toujours perçu à sa juste valeur. Mais, ce qui peut paraître futile à certains, est en réalité une avancée technique qui contribuera à la croissance économique des pays qui mettront en œuvre cette politique de développement de l’aérien.
Massimi expose les détails de son projet. Il étaye son discours de pièces décrivant le programme, les moyens matériels et financiers, les distances de chaque étape, les consommations de carburant mais aussi les objectifs financiers et la rentabilité attendue à terme.
Concernant les avions, Massimi parle d’un sujet qui anime les esprits cette année-là : la question de savoir si on doit construire des avions en bois ou en métal.
Flandin, en bon patriote, explique qu’il ne comprend pas pourquoi les Français ont pris du retard par rapport aux Allemands. Pourquoi les Français qui avaient inventé le ballon sphérique et le ballon dirigeable, qui avaient lancé l’aéroplane, semblent à présent imiter les Allemands. Ce devrait être le contraire !