Les prédictions de Karl Marx sur la théorie de la baisse tendancielle du taux de profit ne se sont pas réalisées. Il écrivait : « Le capitalisme est un rapport de forces inégal entre capital et travail. L’entreprise appartenant au capital cherche à optimiser ses revenus et à réduire la valeur travail à son niveau le plus bas qui est le niveau de subsistance ou le niveau de concurrence sur le marché du travail. Le partage de la plus-value se fera de moins en moins vers le travail et de plus en plus vers le capital… De plus en plus de capital, de moins en moins d’occasions d’investir, c’est dire que l’on va affecter ce capital à des investissements de moins en moins rentables, donc que le taux de rentabilité du capital est condamné à tomber à zéro. »
L’erreur fondamentale de Marx est d’avoir négligé la dimension technologique. Il est tout à fait possible qu’en absence de progrès technique la prédiction marxiste puisse se réaliser. Mais, depuis un siècle, tel n’est pas le cas.
Les révolutions industrielles de la fin du 19ème, la révolution taylorienne des années trente, la croissance continue de la productivité des années soixante, la révolution informatique et robotique du vingtième siècle et l’intelligence artificielle et les biotechnologies du vingt et unième siècle engendrent des vagues d’innovations techniques extraordinairement rentables qui, périodiquement font remonter le taux de profit et le taux de rentabilité du capital.
Et toutes ces innovations exigent beaucoup de capitaux. Par exemple la recherche d’énergies propres, et en quantité suffisante, est un enjeu de première importance. Ainsi Bill Gates, le créateur de Microsoft et mondialiste reconnu, a investi dans Terra Power, une société qui travaille sur un réacteur à onde progressive utilisant les déchets radioactifs en guise de carburant. Ce réacteur ne risquerait pas d’exploser en cas de surchauffe et gérerait le recyclage des déchets. La puissance de l’énergie ainsi développée serait bien plus importante que l’énergie fournie par les panneaux solaires ou les éoliennes. Recherche de profit et souci écologique ne sont donc pas incompatibles.
Les perspectives de profit sont au beau fixe et les moyens pour les faire perdurer sont connus.
La mondialisation est tout à la fois une réalité, un projet et le réceptacle des frustrations les plus diverses. La réalité c’est notamment l’abaissement des frontières, la privatisation des entreprises, l’Euro et l’accélération des échanges qui en découlent. Les effets mesurables de cette accélération des échanges sont contrastés. D’un côté la Chine, le pays le plus peuplé de la planète, en profite pour combler son retard et même devenir la première puissance économique. De l’autre, des pays d’Asie et d’Amérique latine restent exposés aux crises financières, tandis qu’une partie de l’Afrique est vulnérable aux épidémies, rongé par la corruption et décimé par les guerres tribales. Mais, en Afrique aussi, les progrès technologiques favorisent une amélioration des populations de ce continent. Depuis 2000, la croissance a bien redémarré et on constate que la stagnation a fait place à une progression économique de 5% par an. Et pas seulement due à l’exploitation des matières premières minérales ou végétales qui ne représentent qu’un tiers de cette croissance, le reste provenant des secteurs comme l’industrie, les télécommunications, les transports et la distribution.
Le projet reste à construire à partir de la volonté des peuples et de leurs représentants légitimes, projet qui doit être régi par des règles et contrôlés par des institutions en y associant tous les peuples. La mondialisation ne doit pas être l’uniformisation. Elle n’impose pas seulement de savoir gérer un tout, mais aussi d’organiser une diversité. L’enjeu est de faire de cette réalité économique un projet politique qui tienne compte de ce qu’il n’est plus possible d’imaginer qu’un cinquième de l’humanité puisse vivre indéfiniment dans la prospérité tandis que la plus grande majorité connaît les privations et la misère, ou que des modèles de production et de consommation qui détruisent l’environnement pourront nous apporter une prospérité durable.
Il ne s’agit pas de devoir choisir entre l’environnement et le développement, ni entre l’écologie et l’économie. Il s’agit de les intégrer.
Les chantiers prioritaires concernent : l’eau : pour sauver chaque année 3 millions de personnes qui meurent de maladies causées par l’insalubrité des eaux puis empêcher que dans les décennies à venir, les 2/3 de la population mondiale n’aient à faire face à de graves pénuries d’eau ; l’énergie pour fournir une énergie non polluante aux 2 milliards de personnes qui en sont privées et faire en sorte que ce progrès ne s’accompagne pas d’un changement climatique désastreux ; la santé pour sauver chaque année des millions de personnes qui meurent à cause de l’insalubrité de l’environnement, de la pollution, des déchets toxiques, des insectes porteurs de maladies mortelles etc. l’agriculture pour que la production alimentaire aille de pair avec le nombre de bouches à nourrir sans continuer à dégrader les sols et en stoppant la chute de la production agricole en Afrique ; la biodiversité : afin de freiner l’extinction galopante des espèces en aidant ceux qui dépendent de ces activités à trouver des modes de substitutions durables.
Dans son livre « L’Afrique au secours de l’Afrique », Sanou Mbaye, ancien haut fonctionnaire de la Banque Africaine, dénonçait en 2009, des stratégies erronées de développement, des dettes injustifiées que l’on devrait effacer, des pratiques discriminatoires, la persistance d’institutions néocoloniales comme celles présidant à la « zone Franc » et au Franc CFA, la fuite de capitaux et de cerveaux à l’étranger. Mais en juin 2016, il déclare dans une interview à la BBC que « L’Afrique est bien partie » avec un « taux de croissance le plus élevé du monde après l’Asie, des finances plus saines, l’endettement a diminué, les réserves ont augmenté et les déficits sont ramenés à des taux raisonnables. » De plus l’industrialisation des pays est devenue une réalité, l’agriculture n’est plus la seule économie locale, les réseaux de téléphonie mobile permettent la dématérialisation des paiements, les infrastructures se sont bien développées et des universités de grande renommée ont vu le jour. Un capitalisme local, adossé sur des subventions financières internationales, a permis ce développement qui ne profite pas encore à tous, bien sûr, mais a sorti de la pauvreté des millions de personnes. L’enjeu reste de taille car ce continent doit faire face à des tendances négatives que sont un taux de natalité trop élevé, une corruption endémique, le trafique de drogue, un commerce panafricain trop faible, une mise en œuvre d’infrastructures encore trop lente à cause de blocages administratifs ou inter régionaux.
La science apportera des solutions si l’investissement est bien engagé dans la recherche. La connaissance a toujours été la clef du développement humain. Elle sera la clef de la durabilité. C’est le volet politique. Les perspectives de développement de l’Afrique sont entravées par une natalité trop forte et trop rapide et par la corruption des dirigeants. En voulant mettre en place des protections pour éviter les commissions exigées par les dirigeants africains on a retardé les mises en chantier dont ces pays ont besoin. L’établissement des appels d’offre et leur contournement exige trop de temps ce qui retarde des réalisations d’infrastructures urgentes. Cet excès de moralité alourdit les procédures et ne change rien sur les commissions dont les protagonistes arrivent à contourner les règles de toute façon.
N’oublions pas pour autant les progrès déjà réalisés : 2 milliards de personnes ont vraisemblablement été libérées de la faim au cours du dernier quart de siècle ; depuis les années 1990, 2,6 milliards d’êtres humains ont acquis un accès à une source d’eau améliorée ; entre 2000 et 20015, le taux de mortalité lié au paludisme a été quasiment réduit de moitié ; le nombre de décès liés au sida a chuté de 42% depuis 2006 ; entre 1960 et 2015 le nombre de décès de nouveau-nés est passé de 154 à 35 pour 1.000 naissances ; la population mondiale est passée de 2,5 milliards d’individus en 1950 à 7 milliards en 2011 grâce à la baisse de la mortalité. Hygiène, santé et assainissement des sols ont permis cette amélioration générale, même s’il reste beaucoup à faire.
