Comment la IIIème République a réagi face à la montée du nazisme ? (suite2)

Mais il y a la question des réparations.

Souvenons-nous de la formule « L’Allemagne paiera », imprudemment déclarée par Monsieur Klotz, Ministre des Finances dans le gouvernement présidé par Georges Clemenceau, lorsqu’il rédigeait les clauses financières intéressant la France dans le Traité de Versailles. Et, sur cette affirmation, osée autant que téméraire, le Parlement a voté les lois sur les dommages de guerre et sur les pensions de guerre, indemnisant les victimes des allemands. « Je ne peux pas payer » répond l’Allemagne qui, dans le même temps, organise, scientifiquement, son insolvabilité. Et, tandis que ses représentants larmoient dans les conférences internationales, où l’histoire des réparations se résume à celle d’une peau de chagrin, les délégués britanniques et américains rivalisent de générosité à l’égard de l’Allemagne. Une des nombreuses erreurs du Traité de Versailles a été de ne pas fixer le montant de la dette de l’Allemagne pour les réparations. Au début, l’Allemagne a été astreinte à des livraisons en nature : charbon, produits chimiques, bois etc., dont elle s’est acquitté fort mal, et avec la plus mauvaise volonté. Puis la Commission des Réparations en fixa le montant en valeur-or. Evidemment les experts allemands dénoncèrent ce plan comme insensé et comme dépassant les possibilités de l’économie allemande. C’est pourquoi, comme le pense Monsieur Poincaré, l’Allemagne a organisé systématiquement sa faillite monétaire. Dès juillet, un dollar s’échangeait contre 500 marks. Six mois après, il valait 20 000 marks puis le montant astronomique de plus de 4 trillions de marks !

Cette hyper inflation a terriblement appauvri le peuple allemand !

Mais du jour où l’Allemagne décida de changer de politique, sa monnaie s’est rétablie, non miraculeusement, mais simplement par l’application de mesures intérieures que, jusque là, ses dirigeants s’étaient refusé à prendre. Par contre, les gouvernements britanniques, appuyés par toute la finance internationale, mettaient au compte des obligations financières imposées à l’Allemagne par les « Réparations », ces troubles monétaires qui gênaient considérablement les échanges internationaux. À l’automne 1922, Poincaré prit le parti de faire exécuter les clauses du Traité par la contrainte. Il avait parfaitement prévu que si les Alliés victorieux laissaient l’Allemagne, de mauvaise foi, se dégager des contraintes des réparations, elle se sentirait encouragée par ce premier succès. Elle pourrait appliquer la même méthode pour éluder les clauses de désarmement et de sécurité, et revendiquer, de gré ou de force, la révision des clauses territoriales du Traité de Versailles. C’est ainsi que Monsieur Poincaré a décidé d’entrer dans la Ruhr. Les troupes franco-belges y pénétrèrent. Le gouvernement allemand proclama la résistance passive. Le climat n’est pas serein. D’ailleurs Monsieur Blum a déclaré à la Chambre ce jour là : « Vous allez donner l’impression au monde que vous agissez contre la loi internationale. » Et Stanley Baldwin, qui présidait le Cabinet britannique, envoya une note impérative au Gouvernement français par laquelle il prenait officiellement le parti de l’Allemagne, déclarant « que les plus hautes autorités légales de Grande-Bretagne avaient fait savoir au Gouvernement de Sa Majesté que la position prise par le Gouvernement allemand devait être considéré comme bien fondé. Trois mois après, Monsieur Herriot qui, après la victoire électorale du Cartel des Gauches, succédait à Raymond Poincaré, acceptait d’évacuer la Ruhr. C’était la fin de la période d’exécution des traités par la contrainte. Il mettait en place une politique de conciliation avec l’Allemagne.

Ce fut bénéfique puisque les paiements reprirent. Ainsi l’Allemagne reçut, au cours de cette période, des facilités exceptionnelles par l’énorme investissement chez elle de capitaux étrangers, principalement américains et anglais. On a pu évaluer, au moment de la proclamation du moratoire Hoover, que la contre-valeur de 30 milliards de Reichsmarks avaient été investis sous les formes les plus diverses par des prêteurs étrangers, principalement en $ et en £, fournissant ainsi à l’Allemagne, en retour, une capacité de transfert qui avait dépassé de loin ses paiements au titre des réparations qui se montaient à 10 milliards de Reichsmarks.

Ils connaissent les énormes capacités industrielles de l’Allemagne et veulent y investir. Mais ils considèrent que la question des réparations va leur prendre une partie de leurs bénéfices. Ils organisent donc la fin de ce transfert d’argent de l’Allemagne vers leurs créanciers et peuvent ainsi investir dans l’industrie allemande en toute sérénité. »

Pierre-Étienne Flandin se plait à rappeler à ce sujet que le représentant de la France à la conférence de la Paix était Léon Bourgeois, un des chefs de la Gauche, ancien Président du Conseil, ancien Ministre des Affaires étrangères, dont l’activité s’était concentrée depuis de nombreuses années sur les problèmes internationaux d’organisation de la Paix. Il soutint le projet français qui différait essentiellement du projet anglo-américain. L’insistance de Monsieur Bourgeois lui valut même, dans la discussion, une curieuse apostrophe de Lord Robert Cecil qui représentait la Grande Bretagne : « La Société des Nations est un cadeau fait à la France ; si les Français n’en sont pas satisfaits parce qu’ils le trouvent insuffisant, il n’y aura pas d’autre alternative qu’une alliance entre les Etats-Unis et la Grande Bretagne. »

Les anglais aiment privilégier les affaires et à la fin de la première guerre mondiale ils sont devenus antimilitaristes. Les britanniques prônant le pacifisme face à l’Allemagne, en partant du principe que si personne ne s’arme, le risque de conflit est faible, voire nul. Une partie de la gauche française est en phase avec cette position. La Société Des Nations ne devait pas avoir d’autre pouvoir sur ses membres qu’un pouvoir moral ; et ce pouvoir était considéré comme suffisant. La souveraineté des Etats membres devait demeurer totale dans tous les domaines, et en toutes circonstances.

En somme, les théories qui avaient rendu célèbre Jean-Jacques Rousseau, au 18ème siècle, étaient transposées du plan individuel au plan collectif. Les peuples étaient présumés naturellement bons, honnêtes, justes et pacifiques. Ils n’avaient manqué que d’une loi internationale écrite pour la suivre. Maintenant qu’un pouvoir moral recevait mission et compétence pour dire cette loi, elle serait automatiquement respectée et personne ne songerait même à l’enfreindre. Si toutefois un état tentait de s’y opposer, l’opprobre moral pèserait sur ce détracteur de la loi internationale et suffirait à l’arrêter dans une action insensée qui aboutirait à le faire déclarer hors la loi, par le monde civilisé, groupé dans la Société des Nations ! »

La Société Des Nations ne sera pas un super Etat et dans le cas où un de ses membres attaquerait un autre membre, aucun des autres membres ne se trouverait obligé d’intervenir.

Le Conseil de la Société Des Nations n’a pour mission que de recommander une assistance militaire contre l’agresseur préalablement désigné par lui ; et chacun demeure libre de suivre ou non cette « recommandation ». C’est pourquoi Pierre-Étienne Flandin pense que la Société des Nations n’a pas d’efficacité et que le seul moyen de compenser les faiblesses militaires d’un état face à un agresseur plus puissant que lui sera de concevoir des traités qui permettront de construire des alliances pour renforcer sa puissance.

Pour Flandin, le pacifisme n’est pas seulement l’apanage de la France. Lors de la conférence sur le désarmement en février 1932, la France est la tête de turc du pacifisme international. Laval, qui poursuit déjà la chimère d’une entente franco-allemande, et Briand, acceptent la convocation de cette conférence. La gauche française, à la veille des élections générales de mai 1932, fait du désarmement une plate-forme électorale.

Le 26 avril 1932, Henry Lewis Stimson, alors Secrétaire d’État du Président Hoover, en charge, par cette fonction de haut rang, des affaires étrangères des Etats-Unis, vient spécialement en Europe pour prendre part à cette conférence. Il rejoint Mac Donald, représentant le gouvernement de Sa Majesté et le Chancelier Brüning et se mettent d’accord sur la suppression de toutes les limitations qui avaient été imposées à l’Allemagne par les clauses militaires du Traité de Versailles, quant au nombre ou au type d’armes qu’elle était autorisée à utiliser ; et ils acceptent le doublement des effectifs de la Reichswehr. Hitler n’est pas encore au pouvoir.

Flandin affirme à qui veut l’entendre que, « lorsque Daladier accepte le principe de « l’égalité des droits », l’Allemagne remporte sa deuxième grande victoire de l’après-guerre. Non seulement il n’est plus question des clauses du Traité de Versailles, restreignant en qualité et en quantité ses armements, mais sous le prétexte de l’égalité des droits avec la France, elle peut dorénavant entreprendre un réarmement intensif, sans avoir rien à craindre : si des critiques lui sont adressées, elle les rejette sur la France, sur son refus de désarmer. Déjà, elle a réussi à isoler moralement la France. Dans sa querelle avec elle, elle obtient l’appui de l’Amérique, de l’Angleterre, de l’Italie. L’ancien front des Alliés de la première guerre mondiale est mis en pièces. »

Flandin a des formules chocs, quand il dit : « Les temps sont mûrs pour mener dorénavant une offensive active et virulente contre ce qui reste encore du Traité de Versailles. L’époque des finasseries de Stresemann, des larmoiements des Chanceliers parlementaires est révolue. L’Allemagne va restaurer le seul régime qui convient à son peuple, à ses instincts, à ses tendances profondes : un régime de force s’appuyant sur une autocratie militaire. » Le 30 janvier 1933, Hitler entre en maître à la Chancellerie du 3ème Reich.

 

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