La prestigieuse carrière de Lionel Casse, le « Seigneur de l’Atlantique »
Né le 13 février 1915, fils de Louise Pâris et du Colonel Gilbert Casse, un des fondateurs de l’aéronautique (breveté pilote N°7) et qui fut le premier directeur de l’aviation civile et commerciale auprès du Secrétaire d’Etat Laurent-Eynac en 1924. Lionel Casse perdit son père à l’âge de dix ans.
Il est alors élevé par sa mère et soutenu par Pierre-Etienne Flandin qui avait eu son père comme directeur de cabinet au Secrétariat d’Etat de l’Aviation en 1919, le « premier ministre de l’aviation de la paix » comme il fut appelé à l’époque.
Engagé à l’âge de vingt ans dans l’armée de l’air qui venait juste d’âtre créée, il y gravit les premiers échelons d’une carrière militaire. Il est nommé sous-lieutenant, pilote breveté affecté aux escadrilles d’avions multi moteurs à l’âge de vingt et un ans.
En 1938, n’ayant pas encore vingt-trois ans, il est admis sur concours à la Compagnie Air France, créée en 1934 et en développement. Il y côtoie les membres d’équipages qui ont défriché un réseau de lignes aériennes, le plus grand du monde à l’époque, fort de quarante mille kilomètres ; c’étaient les héros survivants, Mermoz étant tombé en décembre 1936, des pionniers des routes aériennes. Il eut ainsi l’illustre Dorat comme chef d’exploitation et des hommes comme Sabry, Vachet ou Guillaumet comme camarades et collègues.
Lionel Casse n’a que vingt-quatre ans à la déclaration de guerre, en 1939. Il est alors un pilote confirmé, déjà reconnu parmi les meilleurs pour son sérieux, son esprit méticuleux et son sens du service parfait. Il préparait tous ses vols avec minutie. Dans l’aéronautique commerciale, on les appelait des « courriers ».
Affecté à un groupe de bombardement, il a accompli plusieurs missions périlleuses depuis la base de Mardyck dans le nord, dont le groupe aérien revint décimé. Replié sur Tours, en juin 1940, il subit une attaque aérienne dont il échappa miraculeusement. Dans la campagne de France son unité de près de cinquante pilotes fut complètement anéantie. Il en fut l’un des trois survivants. Replié enfin à Carcassonne où il y apprend l’armistice, il est démobilisé et rejoint la Compagnie Air France où il reprend son service civil en vue d’assurer la continuité territoriale de la France outre-méditerranéen et jusqu’aux confins de l’Afrique sub-saharienne. Toutefois, il fut requis pour des missions de transport à caractère militaire comme celles qu’il dut accomplir en Syrie en 1941 afin d’approvisionner les forces militaires de Vichy.
A la rupture de l’armistice par les Allemands en 1942, il rejoint l’Afrique du Nord et s’engage dans les forces françaises combattantes derrière le Commandant Lionel de Marmier qui, au sein de la Compagnie Air France a constitué une unité ralliée à la France combattante. Il assume ensuite maintes missions dans les forces combattantes jusqu’en 1945.
Avant même que la capitulation allemande ne soit scellée, la direction d’Air France, dans un geste de vision éclairée, le choisit pour une mission d’importance capitale. Cet homme, dont la mémoire prodigieuse et le talent inné pour les langues lui avaient permis de maîtriser l’anglais dans toutes ses nuances, expressions et accords, allait composer la cohorte des équipages affectés aux vols transatlantiques. C’est ainsi que, sous le poids des défis à venir et avec la promesse d’un ciel libre à reconquérir, il fut désigné pour traverser l’Atlantique Nord, portant avec lui les espoirs d’une nation renaissante.
Il accomplit plusieurs stages aux États-Unis, s’immergeant dans les procédures américaines et prenant en main leurs avions avec une aisance remarquable. Cette formation rigoureuse lui permit de maîtriser les routes aériennes vers les Amériques, acquérant une connaissance des données aérologiques aussi précise que celle des grands albatros qui survolent l’océan Atlantique. Sa maîtrise des courants et des vents, ainsi que son habileté à naviguer dans des conditions souvent périlleuses, le distinguèrent de ses pairs. Si bien que, parmi les aviateurs et les techniciens, il était respectueusement surnommé le « Seigneur de l’Atlantique », un titre qui témoignait de son expertise inégalée et de son autorité incontestée sur les vastes étendues maritimes.
Ainsi formé et reconnu pour ses compétences, Lionel Casse est nommé en 1951, à l’âge de trente-six ans, Chef du personnel navigant d’Air France. Il convainc, non sans mal, de donner aux femmes, à l’égal des hommes, la capacité de piloter et d’être commandant de bord.
Il est appelé à présenter outre-Atlantique la « Caravelle » lors d’un périple pour promouvoir l’aéronautique française sur le marché mondial. Il relate avec précision : » Nous sommes arrivés à Récife sous une pluie diluvienne après 5 heures 43 de vol, sans dommage. Nous sommes partis le jour même pour Rio de Janeiro où l’accueil fut triomphal, puis le 23 avril pour Sao Paulo. L’enthousiasme des spectateurs était tel que nous ne pouvions pas sortir de l’avion. Ensuite nous sommes partis pour Montevideo puis Bueno Aires et enfin Caracas. Le 2 mai, nous sommes partis pour Miami puis New York où notre arrivée fut triomphale : c’était la première fois qu’un avion se posait à New York ! Nous avons visité 24 villes aux Etats-Unis et nous avons rencontré un grand succès. A Los Angeles, nous avons rencontré Howard Hughes ; il voulait avoir la franchise pour construire des Caravelles en série.
Le Directeur de l’usine de Toulouse ne l’entendait pas de cette oreille : » La série ? ça ne nous intéresse pas la série ! Et le bureau d’études qu’est-ce qu’il fera ? « Nous sommes passés à côté d’une belle opportunité, Howard Hughes en aurait vendu des milliers… »
Au retour d’Amérique, la Caravelle a volé les 4.000 km en 6h20 de vol. C’était la première fois qu’un bimoteur civil à réaction traversait les deux Atlantiques.
De retour au pouvoir, en 1958, le Général de Gaulle le choisit afin d’être son pilote officiel lorsqu’il utilise la
Caravelle d’Air France lors de ses voyages présidentiels. Le général, le 13 juin 1958, lui charge de présenter ses condoléances à son épouse à l’occasion du décès de son père, le Président
Pierre-Etienne Flandin.
Nommé inspecteur en chef en 1965 puis inspecteur général en 1971, Lionel Casse assume pendant douze années un rôle crucial dans la conduite des opérations à Air France. Doté d’une expertise et d’un jugement très sûr, il est réputé pour sa capacité à tirer des enseignements de chaque accident et même du moindre incident de vol. En 1973, sa carrière prend un nouvel essor lorsqu’il est nommé directeur général adjoint, tout en continuant à superviser les courriers sur l’Atlantique Nord. Sa diligence et son dévouement inébranlables renforcent encore sa stature au sein de la compagnie. Enfin, en 1976, après avoir pris sa retraite, il est nommé au conseil d’administration d’Air France, où son expérience et ses compétences continuent de bénéficier à l’entreprise.
.
Articles similaires
Commentaires