Macron, ou la gouvernance par la peur

Quand un président n’a plus de majorité politique, plus d’élan populaire, ni même la légitimité du résultat — il lui reste une seule arme : le chaos.
Le chaos comme méthode, la peur comme instrument de survie.

Avec 16 % d’opinions favorables, Emmanuel Macron n’est plus un chef d’État en position d’autorité, mais un gestionnaire de turbulences.
Sa marge de manœuvre démocratique s’est évaporée ; il ne lui reste que la maîtrise du narratif, ce fil fragile qui relie encore le pouvoir au consentement.
Et dans un monde saturé de crises, le récit de la menace extérieure est le plus efficace des anesthésiants politiques.

⚔️ L’ennemi utile : la Russie

Depuis 2022, l’Élysée a fait de la Russie le pilier de sa dramaturgie géopolitique.
Le discours est simple, répétitif, émotionnel :

“La Russie menace la paix européenne.”
“Poutine prépare une offensive hybride.”
“Nous devons rester unis derrière l’OTAN et la défense européenne.”

Ce récit fonctionne parce qu’il canalise la peur, relégitime le pouvoir central, et justifie des choix impopulaires : explosion du budget militaire, alignement sur Washington, restrictions de libertés au nom de la sécurité, et posture martiale pour masquer l’impuissance sociale.

Mais derrière ce rideau, la réalité est plus trouble : la Russie, affaiblie par la guerre d’Ukraine, n’a ni les moyens ni l’intérêt d’envahir l’Europe occidentale.
L’ennemi est devenu un prétexte permanent, une fiction utile.
Un “méchant de service” commode pour réactiver l’unité nationale et maintenir la tension.

La diversion permanente

Cette stratégie est classique dans l’histoire des régimes fragiles :

  • Quand le peuple s’agite, on brandit le spectre du désordre ou de l’ennemi.
  • Quand l’économie chancelle, on invoque l’urgence sécuritaire.
  • Quand la confiance s’effondre, on réinvente la guerre froide.

Macron gouverne désormais par la crise, non par le projet.
Après le Covid et la réforme des retraites, la guerre en Ukraine lui offre une nouvelle scène : celle du “président protecteur”, seul rempart contre le chaos international.
Mais la rhétorique de la peur, répétée trop souvent, finit par user la crédibilité de celui qui la profère.

Un pouvoir sans adhésion, donc sous tension

Quand un chef d’État ne gouverne plus avec l’adhésion, il gouverne avec la sidération.
L’ordre devient un spectacle, la menace un outil de communication.
Le pays vit dans un état d’urgence larvé, où chaque crise justifie un peu plus de contrôle, un peu moins de débat.

Mais cette mécanique a ses limites :
La peur finit toujours par se retourner contre celui qui l’exploite.
À force d’invoquer la guerre, on révèle sa propre fragilité.
À force de brandir la menace, on expose sa propre impuissance.

Le dernier acte

Macron ne peut plus convaincre, il ne peut que maintenir.
Et pour maintenir, il lui faut le désordre : un pays fracturé, une opinion dispersée, une opposition divisée.
L’ordre véritable — celui de la souveraineté populaire, du débat réel, du contrat social — lui serait fatal.

Ainsi, le pouvoir se nourrit de la crise qu’il dénonce.
Et plus il en crée, plus il croit exister.

Mais l’Histoire est impitoyable avec ceux qui confondent le chaos avec la stabilité.
Un régime qui n’a plus d’adhésion finit toujours par s’effondrer — non sous les coups d’un ennemi extérieur, mais sous le poids de son propre mensonge.

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