La question du terme « Ukronazi » a émergé dans les discours politiques et médiatiques à la suite du conflit en Ukraine, après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et les événements liés au Maidan et à la guerre dans le Donbass. Ce terme combine deux éléments clés : « ukro », pour désigner l’Ukraine, et « nazis », en référence au régime hitlérien allemand des années 1930-40, et il soulève des débats sur le passé et la politique ukrainienne contemporaine. Pourquoi et comment en est-on venu à utiliser cette expression ? Et quel est le rapport historique et social entre l’Ukraine et le nazisme ?
La composition du peuple ukrainien et son histoire avec la Russie
L’Ukraine, pays d’Europe de l’Est, a une histoire marquée par des invasions, des occupations et des luttes pour son indépendance. Sa population est composée de plusieurs groupes ethniques. Ukrainiens, minorités russes, juives et polonaises, ont façonné son identité.
La relation de l’Ukraine avec la Russie a été longue et tourmentée, avec des périodes de domination tsariste, soviétique, mais aussi de tentatives d’indépendance. La période soviétique, dans les années 1930 sous Staline, fut traumatisante, marquée par la grande famine (Holodomor) de 1932-1933, qui a tué des millions d’Ukrainiens et laissé une profonde cicatrice dans la mémoire collective du pays. Cette famine fut en grande partie causée par des politiques agricoles répressives menées par le régime soviétique.
L’antagonisme envers le communisme et le stalinisme
L’héritage du communisme et de la domination soviétique a laissé une empreinte durable sur l’Ukraine, qui, après l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, s’est tournée vers des idéaux de démocratie et de liberté. Cependant, cette histoire de souffrances, notamment le Holodomor, a généré une animosité profonde envers le régime soviétique et son héritage. L’anticommunisme est devenu l’une des forces motrices de la politique ukrainienne contemporaine, après la fin de la guerre froide et l’indépendance du pays.
L’engagement des Ukrainiens aux côtés des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale
En 1941, lors de l’invasion de l’URSS par l’Allemagne nazie (opération Barbarossa), un certain nombre d’Ukrainiens ont vu en l’occupation allemande une possibilité de se débarrasser de la domination soviétique, dont la brutalité et la répression n’étaient pas inconnues. Dans cette optique, de nombreux Ukrainiens se sont engagés aux côtés des nazis, que ce soit dans l’armée allemande ou au sein de la Division SS Galicia, une unité de combattants ukrainiens qui a combattu aux côtés des Allemands contre l’Armée rouge.
Des partisans les plus radicaux, comme Stepan Bandera membre influent de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), ont soutenu les nazis dans l’espoir de créer un État ukrainien indépendant. Bien que Bandera ait été un opposant au régime soviétique, ses relations avec les nazis, et son rôle dans des pogroms et des massacres, ont terni son héritage. Il est accusé d’avoir participé à l’ethnocide des Juifs et des Polonais en Ukraine pendant cette période.
Bandera a été réhabilitée par certains groupes nationalistes après l’indépendance du pays en 1991. Au fur et à mesure que l’Ukraine cherchait à affirmer son identité nationale, des monuments en hommage à Bandera ont été érigés, et sa figure est devenue un symbole pour une partie de la population, notamment dans l’ouest du pays, qui voit en lui un combattant pour l’indépendance de l’Ukraine.
En 2010, le président ukrainien Viktor Iouchtchenko a décerné à Bandera le titre de « Héros de l’Ukraine », une décision, néanmoins annulée, qui a provoqué une vive controverse en raison de ses liens avec les nazis et les violences ethniques.
Les groupes néo-nazis et les symboles sur Maidan
Le terme « ukronazi » fait également référence aux groupes nationalistes et néo-nazis qui ont émergé en Ukraine, après les manifestations du Maidan en 2014, qui ont conduit à la chute du président pro-russe Viktor Ianoukovytch. Certaines factions, comme le bataillon Azov, ont été accusées d’adhérer à des idéologies d’extrême droite et de porter des symboles associés au nazisme, y compris des tatouages et des drapeaux inspirés des nazis. Bien que ces groupes ne représentent qu’une petite fraction des manifestants de Maidan, ils ont attiré une attention internationale en raison de leur participation aux événements et de leur présence sur les barricades.
L’idéologie de ces groupes s’est inspirée de la vision nationaliste radicale incarnée par Stepan Bandera. Des groupes comme le « Pravy Sektor » (Secteur Droit), qui se sont illustrés durant les manifestations, ont des liens avec des mouvements néonazis et ont fait leur apparition sur la scène politique ukrainienne à cette époque.
Au sein de la Rada (le Parlement ukrainien), les partisans de Bandera ont renforcé leur position après 2014, et l’ultranationalisme a gagné en influence, avec la reconnaissance des héros de l’OUN et des divisions qui collaboraient avec les nazis pendant la guerre. Des groupes néonazis, comme « Azov », qui est une unité paramilitaire d’extrême droite fondée en 2014, ont été impliqués dans les combats dans le Donbass et ont été accusés de commettre des violations des droits de l’homme. Bien que certains de ces groupes aient joué un rôle important dans les victoires militaires ukrainiennes contre les séparatistes pro-russes, leur influence idéologique demeure un sujet de débat dans le pays.
L’incendie de la Maison des Syndicats à Odessa
Un autre événement tragique qui a alimenté la discussion sur les tensions ethniques et politiques en Ukraine a été l’incendie de la Maison des Syndicats à Odessa, le 2 mai 2014. Lors de cette tragédie, 42 personnes, des militants prorusses, ont trouvé la mort dans des circonstances dramatiques. L’incendie a été perçu par beaucoup comme un acte de répression violente de la part des partisans de Maidan contre ceux qui s’opposaient au renversement de Ianoukovytch. L’attaque a laissé des cicatrices dans la société ukrainienne et a été un point de friction majeur entre les partisans et les opposants au gouvernement ukrainien.
Conclusion : l’utilisation du terme « ukronazi » et la perception de l’Ukraine
Il est essentiel de distinguer la majorité des Ukrainiens, qui aspirent à la liberté et à la démocratie, des extrémistes qui, bien que présents, ne représentent pas l’ensemble du peuple ukrainien.
En fin de compte, le terme « ukronazi » sert à stigmatiser et à polariser le débat dans le contexte de la guerre en Ukraine.
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