Où en sont les BRICS ?

Le 9 mai 2025, la Russie a accueilli de nombreux chefs d’état à l’occasion du 80ème anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie en 1945. Défilé militaire impressionnant sur la Place Rouge, des armements inquiétants, une minutie dans les marches cadencées, tout pour impressionner, frapper les esprits, attester d’une puissance prête à tout. Le message est clair : Poutine n’est pas seul, il a des alliés. L’Occident l’a sanctionné, il a trouvé de nouveaux partenaires.

Ce fut 26 pays souverains représentés par 21 chefs d’état, dont la Chine. Cet ensemble représentait 2,7 milliards d’êtres humains, soit 32,8% de la populations mondiale.

Déjà en 2024, la réunion des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Kazan soulignait la volonté de ces pays d’accroître leur influence dans l’ordre mondial, en se présentant comme une alternative aux puissances occidentales. Ce groupe, qui rassemble cinq grandes économies émergentes, cherche à remodeler les règles du jeu économique et financier international pour réduire leur dépendance vis-à-vis des États-Unis et de l’Union européenne. Mais au-delà des ambitions affichées, cette réunion avait aussi mis en lumière des défis internes et des divergences stratégiques entre les membres. Analysons ce que représentent les BRICS aujourd’hui :

1. Les BRICS : une puissance économique montante

Les BRICS représentent environ 40 % de la population mondiale et près de 25 % du PIB mondial, soit une part significative de l’économie globale. Si l’on mesure la puissance économique de ces pays par le PIB en parité de pouvoir d’achat (PPA), les BRICS dépassent même le G7, ce qui témoigne de leur poids croissant. Sur le plan commercial, ils sont également d’importants exportateurs de matières premières, de produits manufacturés, et de services technologiques.

En termes de brevets et d’avantages technologiques, la Chine est le leader incontesté parmi les BRICS, avec des milliers de brevets déposés chaque année et des avancées significatives dans des domaines clés comme l’intelligence artificielle, les télécommunications (5G) et les énergies renouvelables. L’Inde et la Russie ont aussi renforcé leur position dans des secteurs technologiques spécifiques, comme les logiciels pour l’Inde et l’énergie nucléaire pour la Russie. Le Brésil et l’Afrique du Sud, bien qu’économiquement plus modestes, apportent des ressources naturelles et des marchés importants.

A présent, les BRICS cherchent à promouvoir l’innovation et à améliorer leurs avantages technologiques en investissant dans la recherche et le développement (R&D) et en renforçant leur collaboration dans des secteurs stratégiques. La création de pôles technologiques et de centres de recherche dans les pays membres vise à stimuler l’innovation intra-BRICS, mais les écarts de développement technologique entre les pays restent un défi pour une collaboration totalement fluide.

2. Vers un système de règlements internationaux hors dollar et euro ?

L’un des thèmes majeurs de la réunion des BRICS fut la recherche d’une alternative aux transactions en dollars et en euros. Depuis plusieurs années, les BRICS tentent de réduire leur dépendance vis-à-vis du dollar, notamment en raison des sanctions économiques américaines qui touchent la Russie et menacent d’autres membres du groupe. Dans cette optique, les BRICS ont exploré la création d’une unité de compte électronique commune ou d’une monnaie numérique des BRICS, destinée à faciliter les échanges entre leurs pays et à offrir une alternative aux monnaies occidentales.

Une telle unité de compte électronique aurait plusieurs avantages :

  • Réduire la vulnérabilité aux fluctuations du dollar et de l’euro et aux sanctions occidentales.
  • Faciliter les transactions intra-BRICS et renforcer leur autonomie financière.
  • Promouvoir l’intégration économique régionale en permettant des échanges plus fluides entre ces économies.

Cependant, plusieurs obstacles freinent ce projet. Tout d’abord, les BRICS ont des systèmes financiers et bancaires hétérogènes, ce qui complique la mise en place d’un système commun de règlement. Ensuite, l’absence de confiance totale entre certains membres, notamment entre l’Inde et la Chine, représente un frein majeur à la coopération monétaire. De plus, la question de la gouvernance de cette unité de compte électronique et de la gestion des flux financiers demeure épineuse : quel pays piloterait cette monnaie ? Comment les intérêts des différents membres seraient-ils représentés ?

Enfin, un système de règlement en dehors du dollar et de l’euro nécessiterait une infrastructure financière solide et sécurisée, capable de rivaliser avec le système SWIFT, dominé par l’Occident. En ce sens, les BRICS travaillent déjà à des alternatives, comme le système de paiement interbancaire transfrontalier de la Chine (CIPS), mais des efforts supplémentaires sont nécessaires pour en faire un outil viable à l’échelle des BRICS.

3. Des intérêts divergents et des alliances géopolitiques complexes

Bien que les BRICS se présentent comme un bloc unifié face aux puissances occidentales, les pays membres ont des intérêts souvent divergents et des stratégies géopolitiques contradictoires. Par exemple :

  • La Chine et l’Inde : Ces deux géants asiatiques sont en concurrence pour l’influence régionale en Asie. Des tensions persistent, notamment autour de la frontière himalayenne, et limitent la confiance mutuelle entre les deux pays. De plus, l’Inde, bien que membre des BRICS, entretient des relations stratégiques avec les États-Unis, notamment au sein du QUAD (Quadrilateral Security Dialogue), ce qui peut entrer en conflit avec les intérêts chinois.
  • La Russie : En raison des sanctions occidentales, la Russie a renforcé ses relations avec la Chine, mais elle cherche aussi à diversifier ses partenaires pour éviter une trop grande dépendance vis-à-vis de Pékin. La Russie, riche en ressources énergétiques, espère renforcer son rôle au sein des BRICS en offrant un accès stable aux matières premières, mais elle se heurte parfois aux ambitions chinoises dans des régions comme l’Asie centrale.
  • Le Brésil et l’Afrique du Sud : Ces deux pays, bien qu’importants dans leur région, ont un poids relativement moindre dans les décisions des BRICS. Ils cherchent avant tout à tirer profit de leur appartenance au groupe pour attirer des investissements et renforcer leurs échanges commerciaux. Cependant, leurs priorités économiques et diplomatiques diffèrent souvent de celles de la Russie ou de la Chine.

Ces différences géopolitiques et économiques limitent la capacité des BRICS à agir comme un bloc homogène. Bien qu’ils partagent une vision commune d’un monde multipolaire et moins dépendant de l’Occident, chaque pays poursuit ses propres intérêts, ce qui rend difficile l’élaboration d’une stratégie commune sur certains sujets.

4. Un potentiel d’influence, mais des défis à relever

La réunion des BRICS à Kazan a montré que le groupe possède un potentiel significatif pour influencer l’ordre mondial, mais il reste confronté à des défis internes. En tant que coalition, les BRICS disposent d’une population et d’un poids économique important, ce qui leur permet de peser dans les négociations internationales. Ils partagent également une ambition commune de réformer les institutions internationales, comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, pour mieux refléter le poids des économies émergentes.

Cependant, le groupe devra surmonter plusieurs défis pour atteindre ses objectifs :

  • Renforcer la cohésion interne : Les BRICS devront travailler sur leur unité et s’efforcer de résoudre ou d’atténuer leurs tensions bilatérales pour pouvoir agir de manière plus cohérente.
  • Construire des institutions alternatives solides : La mise en place d’une unité de compte électronique et de systèmes de paiement autonomes nécessitera des efforts concertés, ainsi qu’un investissement massif dans les infrastructures financières.
  • Gagner la confiance des autres économies émergentes : Pour maximiser leur influence, les BRICS doivent convaincre d’autres pays de se joindre à leur démarche et de renforcer leurs liens économiques et diplomatiques avec eux.

Conclusion : une alternative en devenir, mais un chemin semé d’embûches

Les BRICS est un groupe déterminé à renforcer son influence et à offrir une alternative au système économique dominé par l’Occident. Leur ambition de créer un système de règlement indépendant du dollar et de renforcer leur autonomie financière est un projet audacieux, mais complexe, qui devra surmonter de nombreux obstacles.

Pour les BRICS, le défi principal sera de surmonter leurs divergences internes et de bâtir un système financier fiable, capable d’attirer d’autres économies émergentes. Si ces objectifs sont atteints, les BRICS pourraient devenir une force motrice dans la réorganisation de l’ordre économique mondial, créant ainsi un monde plus multipolaire. Mais pour l’instant, leur influence reste limitée par les divisions géopolitiques et les différences de stratégies entre leurs membres.

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