IA + Immigration : le cocktail explosif de la nouvelle fracture sociale

 

⚙️ Quand la technologie remplace les cols blancs et que la peur cherche un visage.

La révolution silencieuse de la productivité sans emploi

Une phrase du Wall Street Journal résume la mutation en cours :

“Peut-on augmenter le chiffre d’affaires et les profits sans augmenter le nombre de salariés ?”

Jusqu’ici, la croissance économique reposait sur un modèle quasi sacré :
plus d’activité → plus de travail → plus de salaires → plus de consommation.

Mais l’IA vient casser ce cercle vertueux.
Les grandes entreprises — JP Morgan, Walmart, Amazon, Accenture — l’ont compris :
elles peuvent désormais croître sans embaucher.
Leur objectif n’est plus de recruter mais d’optimiser.
Automatiser les tâches cognitives, rationaliser la gestion, réduire la masse salariale.

Jamie Dimon, PDG de JP Morgan, l’a dit sans détour :

“Nous allons chercher à ne plus engager de nouvelles personnes pour de nouveaux besoins.”

La productivité grimpe, les marges explosent — mais les classes moyennes diplômées (cadres, analystes, juristes, communicants, enseignants, journalistes, ingénieurs, etc.) deviennent les nouvelles victimes d’une mutation qu’elles n’avaient pas anticipée.

Les “cols blancs” face à la précarisation algorithmique

Ce n’est plus l’ouvrier remplacé par le robot.
C’est le diplômé remplacé par un modèle de langage.
C’est le consultant supplanté par une IA prédictive, l’assistant juridique par un LLM*, le designer par DALL·E, le traducteur par DeepL, le planificateur par un algorithme d’optimisation.

La différence est psychologique :
autant les classes populaires avaient déjà intégré la fragilité du travail industriel,
autant les classes diplômées se croyaient protégées par le savoir.
Elles découvrent qu’un cerveau artificiel peut accomplir 80 % de leurs tâches, sans fatigue, sans salaire, sans syndicat.

L’élite intellectuelle et la classe moyenne supérieure vivent leur moment Uber.
Et cette déstabilisation cognitive va bien au-delà de l’économie :
elle ébranle la hiérarchie symbolique du mérite, fondement de la légitimité sociale occidentale.

Le bouc émissaire : le visage de l’Autre

Quand la peur du déclassement monte, il faut un coupable visible.
Or, l’IA est invisible : elle n’a pas de visage, pas d’accent, pas de couleur de peau.
L’immigré, lui, reste tangible, identifiable, disponible pour porter le poids symbolique de l’angoisse économique.

Pendant des décennies, les classes moyennes supérieures occidentales avaient plutôt soutenu la diversité et la mobilité internationale.
Mais si l’intelligence artificielle fragilise leur statut,
si leur sécurité financière s’érode,
si elles se sentent soudain “remplaçables” — non plus par un ouvrier chinois, mais par une machine —, alors le réflexe identitaire peut resurgir.

Le danger n’est pas tant la haine raciale en soi que la convergence entre la peur technologique et la colère sociale.
L’immigration devient le défouloir d’une inquiétude économique que ni les élites ni les gouvernements n’anticipent.

⚠️ Un risque d’embrasement social inédit

Nous sommes peut-être au début d’une nouvelle ère de fracture :
non plus entre riches et pauvres,
mais entre remplaçables et irremplaçables.

Les ouvriers avaient subi la robotisation,
les classes moyennes subissent désormais la “digitalisation cognitive”.
Et cette angoisse collective cherche un exutoire politique.

Les populismes, hier nourris par la désindustrialisation,
pourraient demain se nourrir de l’angoisse de l’automatisation.
Et si les dirigeants ne proposent pas une nouvelle équation de dignité et de redistribution,
la tentation du bouc émissaire — le migrant, le réfugié, “l’autre” — pourrait redevenir un réflexe collectif.

L’urgence d’un nouveau contrat social

Face à ce basculement, deux attitudes sont possibles :

  1. L’aveuglement technophile — croire que le progrès finira toujours par créer de nouveaux emplois (ce qui n’est plus garanti à l’ère des IA cognitives).
  2. La lucidité politique — admettre qu’il faut repenser la valeur du travail, du revenu et de la dignité.

Il ne s’agit pas de freiner l’IA, mais de rééquilibrer le pouvoir de ses bénéfices.
Taxer les gains de productivité pour financer la reconversion et la création culturelle,
rendre au citoyen une forme de souveraineté économique face aux machines,
et redéfinir la place du travail humain comme vecteur de sens et non plus seulement de production.

Conclusion : La fracture du futur

La grande question du siècle ne sera peut-être pas “Faut-il craindre les robots ?”
mais :

“Que fera l’homme qui se découvre inutile dans un monde où tout fonctionne sans lui ?”

Et quand cet homme, inquiet, cherchera à désigner un coupable,
il ne verra pas la machine, mais celui qu’on lui désigne.
C’est là que l’économie rejoint la sociologie, et la peur rejoint la haine.

L’IA ne menace pas seulement nos emplois.
Elle menace l’équilibre symbolique sur lequel repose la paix sociale.
Et si nous ne créons pas rapidement un horizon commun de sens et de justice,
la fracture numérique pourrait devenir la nouvelle fracture raciale.

 

*LLM est l’acronyme de « Large Language Model », qui signifie en français Grand Modèle de Langage. C’est un type d’intelligence artificielle conçu pour comprendre et générer du langage humain de manière cohérente, et il est entraîné sur de très vastes quantités de texte. Ces modèles sont utilisés dans des applications telles que la traduction, la rédaction de contenu, les chatbots et l’analyse de sentiments.

Commentaires récents

  • frank Durand
    17 novembre 2025 - 11h57 · Répondre

    Analyse intéressante et réelle mais
    – le même texte aurait pu être écrit lors de l’appartion de l’imprimerie, de la mécanisataion, de la robotisation et d’internet
    – Pourtant les créations d’emploi n’ont jamais manqué dans les pays les plus en avance
    – par contre l’IA comme les révolutions précédemment citées est une nopuvelle sopurce d’augmentation de productivité sans laquelle aucune augmentation de pouvoir d’achat ne peut avoir lieu
    – similairement taxer n’est une fois de plus pas la solution. Les entreprisses sont plus à meme d’identifier les voies d’investissements et de consommation
    – Enfin je ne vois pas le rapport entre immigration et rupture sociale des cols blancs. Marchais la voyait plutot avec les cols bleus

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